Déconfinement hasardeux

Que retenir du plan de déconfinement présenté hier après-midi par le Premier ministre à l’Assemblée nationale ? Au-delà d’un certain nombre de mesures qui auraient dû être annoncées dès le début de cette crise (et on sait ce que valent leurs annonces...),

bien malin qui comprendra, dans ce fatras de dates et d’exceptions, la logique de santé publique qui prévaut. Une date générale de déconfinement annoncée, le 11 mai, sauf pour certains départements que l’on connaîtra le 7 mai. Une réouverture des établissements publics et des commerces, sauf pour ce qui concerne par exemple les lieux de culture ou les bars… Le gouvernement se précipite, mais ne prend pas les mesures réellement nécessaires pour contenir l'épidémie : des moyens humains et financiers à la hauteur pour les hôpitaux, l'arrêt des productions non essentielles, la protection des salariés...

Édouard Philippe a beau vouloir poser en protecteur, multiplier les annonces de « distribution » de millions de masques pour le grand public (sans gratuité bien entendu !) et annoncer 700 000 tests par semaine (après le 11 mai !), l’important est dans ce qu’il ne dit pas. Cette fin de confinement à marche forcée, sans aucune garantie sanitaire, le gouvernement la veut à tout prix car il souhaite ainsi répondre aux exigences du Medef. "Nous sentons que l'arrêt prolongé de la production de pans entiers de notre économie (...) présenterait pour le pays (...) un risque de l'écroulement ": l’objectif réel est bien de relancer la production et la consommation, bref les profits et les dividendes, à l’image de ces milliards débloqués pour les grandes entreprises depuis le début de la crise. Par contre, on attend toujours des mesures de solidarité de cette ampleur pour celles et ceux qui en auraient réellement besoin.

Les déclarations faites devant l’Assemblée nationale en faveur de la santé publique n’engagent pas à grand-chose, surtout quand elles sont renvoyées à plus tard… ou à jamais. Qu’est devenu par exemple ce fameux plan d’investissement en faveur des hôpitaux annoncé par Macron à Mulhouse il y a plusieurs semaines ? 

Une fois de plus nous sommes face à un gouvernement qui rejette la responsabilité des pénuries de matériels pour palier à la pandémie Covid aux gouvernements précédents, alors que lui-même n’a pas remis en cause le non-renouvellement des stocks de matériel de protection (masques, mais aussi blouses, charlottes, gel hydroalcoolique …) dont les conséquences ont été mortifères avec la pandémie de COVID19

Depuis le début de son quinquennat Emmanuel Macron a continué à œuvrer à la casse de notre système de protection sociale et particulièrement de santé. Comme les gouvernements qui l’ont précédé, celui-ci s’est appliqué à continuer de détruire méthodiquement le service public de la santé sous couvert de “rentabilité” en appliquant sa politique d’austérité : suppression des lits, fermetures d’établissement, baisse des effectifs, austérité budgétaire, industrialisation, marchandisation…

Protéger - Tester - Isoler 

Protéger qui ou quoi ? Protéger la population ou protéger l’économie et les intérêts des grandes entreprises du CAC 40 ? S’il s’agissait de protéger la population, on ne la renverrait pas au travail, à l’école sans protection. Or de protections sérieuses, il n’y en a point. Les plus démunis devraient être fournis en “masques grands publics” et les autres démerdez-vous ... Confectionnez vos masques en respectant les normes AFNOR ou achetez-les ! Caricature du libéralisme, ce gouvernement renvoie chacun à sa propre responsabilité sans lui en donner les moyens. Les salariés devront pour se rendre au travail porter les masques qu’elles et ils auront eux-mêmes confectionnés ou achetés. Les chefs d’entreprises, les responsables d'établissements scolaires, de santé, sociaux et médico-sociaux devront prendre les mesures de protection de leurs salariés. Cadeau empoisonné car ils devront rendre compte de la mise en danger de leurs salariés.

Tester ? Après que son ministre de la Santé ait assuré la promotion des laboratoires privés le week-end dernier, le Premier ministre nous assure que chaque cas, dès qu’il présentera des symptômes sera testé. Or chacun sait que nous sommes contagieux avant même de présenter des symptômes. Les tests doivent être étendus à toute la population.

Isoler ? Ni le traiter, ni le soigner ?

Le plan de sortie du confinement est à l’image du gouvernement : Ponctué de conditionnels, si, si, si… Il expose la population aux risques auxquels il n’a su faire face, faute d’anticipation, conséquence d’une politique libérale et austéritaire dont toute la population fait les frais. Et si le déconfinement se passe mal… C’est que le peuple n’aura pas été à la hauteur de la stratégie du gouvernement. Il faut, nous dit le gouvernement, que 60 % de la population soit contaminée pour considérer une immunité collective. Nous en sommes à moins de 10 %. Il faut donc qu’un grand nombre d’entre nous s’exposent. Quoi de mieux qu’une remise au travail. La “deuxième vague” est inévitable. Les services de santé déjà exsangues vont devoir à nouveau y faire face. Avec quels moyens ? A quel prix et combien de morts ?

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