Tristesse, horreur, dégoût, colère…

Mes premières pensées vont aux proches de Samuel Paty, ce professeur d’histoire-géographie sauvagement assassiné ce 16 octobre 2020 pour avoir enseigné la liberté d’expression. Cet enseignant a été tué pour avoir exercé son métier. En tant que professeur d’histoire, il lui appartenait d’assurer un enseignement moral et civique (EMC).

Cet enseignement poursuit trois finalités, précisées par le Bulletin officiel de l’Éducation nationale du 26 juillet 2018 :

- respecter autrui ;

- acquérir et partager les valeurs de la République ;

- construire une culture civique.

Avant la mise en place de ce nouvel enseignement en 2015, certains avaient exprimé des interrogations sur son bien-fondé : était-on bien là dans le domaine du savoir, propre à l’école ? N’enseigne-t-on pas une foi en la République qui ne vaudrait ni plus ni moins que la foi en Dieu, Allah, ou L’Éternel, ou tout autre Absolu ? Précisément, la République n’enseigne pas une foi particulière. Les valeurs de la République, qu’expriment ses lois, sont d’un ordre autre que celui des convictions religieuses. Elles rendent possible, et organisent, la vie en société, en assurant à chacun la totale liberté de vivre sa foi, à condition simplement de respecter celle des autres, et aussi le choix de ceux qui ne vivent aucune foi particulière.

C’est bien pourquoi cette exécution terroriste me révulse. Ce crime odieux est insupportable de haine. Les enseignant-e-s doivent pouvoir aborder les différents sujets du programme en classe en utilisant les supports pédagogiques qui leur paraissent pertinents sans avoir à craindre des représailles, sans même parler des menaces sur leurs vies. L’assassinat lâche et abject d’un enseignant est une atteinte inqualifiable aux principes fondamentaux de la République comme la liberté d’expression, la liberté de conscience, la laïcité.

En cette période, plus que jamais complexe et difficile (crises sanitaires, sociale, environnementale et civique) chacun doit s’abstenir de toute instrumentalisation politique et refuser toute stigmatisation des musulmans. Il est nécessaire d’apporter partout, pour tous, l’instruction, la raison, la réflexion et tout ce qui permet de construire l’autonomie de jugement.

Les fanatiques qui se réclament d'une religion pour commettre des actes criminels trahissent cette religion au lieu de la défendre. La violence dessert les causes qu'elle prétend protéger. Et les croyants pacifiques de notre pays en sont aussi victimes. La loi du Talion n’a pas sa place dans une société démocratique régie par l’État de droit. Au « œil pour œil, dent pour dent » et à la vengeance, le progrès humain a substitué la justice et l’art du débat. C’est un acquis à valeur universelle sur lequel s’appuient toutes les forces de progrès à travers le monde, face aux dictatures ou aux fanatismes, et parfois face aux deux.

Au-delà du parcours et de la personnalité de ce jeune assassin, ces actes terroristes ont pour but de briser la cohésion nationale et de semer le doute sur les valeurs fondamentales de notre République. Tenter de comprendre, ne veut pas dire excuser. Il faut au contraire rappeler haut et fort que nous ne céderons jamais à la terreur et aux intolérances intégristes. La raison et la solidarité de tous sont encore plus nécessaires face à l’obscurantisme assassin.

Nous devons continuer à promouvoir une société respectueuse des différences. Ce n’est pas par l’exclusion, mais bien par l’éducation laïque, l’information libre et honnête, la coopération des esprits ouverts, le dialogue et la bienveillance qu’ensemble nous pourrons avancer.

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