Quelques réflexions sur ce moment politique

Dès le soir des résultats des élections européennes, beaucoup d’acteurs et de commentateurs de la vie politique se sont montrés « satisfaits » de la « forte participation », alors que juste 50 % des électeurs inscrits sont allés voter le 26 mai (49,49% des inscrits ici à Saint-Michel sur Orge). 

Sans doute suis-je trop intransigeant, mais je ne peux me contenter d’un verre à moitié vide. En fait, après d’autres, cette élection est la marque d’un dysfonctionnement démocratique majeur dans notre pays qui s’exprime de plusieurs manières.

1/ Le résultat de la liste soutenue par le Président de la République, pour moi le véritable vainqueur par défaut du scrutin, est le fruit d’une mobilisation électorale plus importante des français les plus aisés et les plus âgés. Alors qu’il se présente comme la représentation du « nouveau monde », Emmanuel Macron est en fait le digne descendant des représentants des maîtres de forges pour qui la main d’œuvre salariée devait aussi s’adapter à son temps, être autant malléable que possible. Changement d’époque, mais débat identique et argumentations semblables. Et l’on revient même à une forme de suffrage censitaire (seul les plus fortunés et les mieux insérés socialement votent) et à une forme de d’abstention militante. Comment peut-on se satisfaire que, dans les quartiers populaires, ne pas voter devienne une habitude revendiquée ? C’est très net encore une fois à Saint-Michel dans les bureaux de vote de Descartes 1 et 2 et des Genets (37, 40 et 43 % de votants seulement dimanche). J’entends depuis des années les mêmes raisons (« à quoi cela sert de voter », « ils sont tous pareils ! » ou « ça ne changera rien pour moi ? »… et comme beaucoup d’autres, je n’ai pas trouvé l’argument pertinent, si ce n’est celui de « s’inscrire quand même sur les listes électorales, pour pouvoir voter… le cas échéant ». Et ce n’est pas la précipitation avec laquelle nombre de candidats se positionnent déjà sur la ligne de départ de la prochaine échéance (municipales en mars 2020) qui va pouvoir modifier la donne. Au-delà des appareils politiques fatigués (pour ne pas dire plus), il faut permettre aux citoyens de reprendre pleinement la main pour bâtir des solutions nouvelles et construire de nouveaux horizons qui associent revendications sociales et environnementales.

2/ Ensuite, ce dysfonctionnement démocratique s’exprime aussi par le fait que mouvement social qui a agité le pays depuis plus de 8 mois n’a trouvé aucun débouché politique dans cette élection. Entre des listes Gilets jaunes ou avec des gilets jaunes et l’extrême-droite qui ne représentait pas, loin de là, le cœur du mouvement qui s’est exprimé sur les ronds-points, la soupape électorale que pouvait représenter le scrutin du 26 mai n’a pas fonctionné. Certes il y a eu du vote anti-Macron, mais il n’a rien produit de lisible. Et surtout je crois que ce serai une grave erreur de complètement refermer le couvercle des revendications sociales, environnementales et démocratiques qui se sont exprimées avec parfois beaucoup de confusions, quelques fois hélas avec de la violence, mais bien souvent avec beaucoup de sincérité. Ce qui ne s’est pas exprimé dans les urnes est toujours bien là et ressurgira sans doute de nouveau, peut-être sous d’autres formes.

3/ Le dysfonctionnement démocratique vient aussi de la manière dont les libertés publiques fondamentales sont lourdement malmenées en France par ceux-là même qui se présentent comme les remparts : Affaire Benalla, journalistes convoqués par la DGSI, manifestants blessés sans raison, pouvoir spécialiste des fake news comme à l’Hôpital de la Salpêtrière, omniprésence du Président de la République dans les médias, Parlement encore rabaissé avec la réforme du règlement de l’Assemblée nationale, séparation des pouvoirs non respectée entre le Ministre de l’Intérieur et le Procureur de la République après l’attentat de Lyon, les exemples sont malheureusement nombreux et affligeants… Le point culminant reste la volonté d’imposer, partout, tout le temps et sur tous les sujets, un face à face entre Macron et Le Pen. Certes, ce face à face est celui qui seul peut permettre à LREM de perdurer, mais il est mortifère pour notre démocratie.

Plus que jamais, l’heure est politique. L’heure est même à la Politique. Comme je le plaide depuis des années, il faut remettre les citoyens au centre du jeu et en capacité de peser sur leur propre destin. L’urgence demeure donc à tous les niveaux d’expliquer, d’informer, de rendre compte, de proposer et d’agir sur le quotidien. Je pense qu’il faut toujours privilégier, avec beaucoup d’humilité, le travail et la réflexion sur les questions de fond plutôt que les petites combinaisons électorales et les formes partisanes dépassées, au sein d’un paysage politique « explosé ». Dans ce contexte, le seul objectif raisonnable est de faire converger et de fédérer pour co-construire avec les citoyens un avenir en commun au service de l’intérêt général Humain !

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